La fessée : Néfaste ou un outil éducatif efficace ?
fessee nefaste punition efficace

Dans la nuit de jeudi à vendredi 30 novembre, l’Assemblée nationale a voté le projet de loi visant à interdire les « violences éducatives ordinaires », ou les châtiments corporels infligés aux enfants, y compris la fessée. Alors que la majorité des pays européens avaient déjà voté cette loi, beaucoup de Français sont réticents. En effet, selon les sondages, 70 % de la population est contre cette loi.

Voici certains arguments que nous entendons « pour » la fessée :

  • La fessée est nécessaire pour que les enfants « comprennent »
  • Une petite tape ne leur fera pas de mal
  • J’ai reçu des fessées et je n’en suis pas mort
  • Mes enfants ont reçu des fessées et ils m’aiment toujours
  • C’est eux qui me poussent à bout, je craque
  • C’est un outil d’éducation comme un autre

Alors, la fessée est-elle vraiment néfaste ou s’agit-il d’une technique éducative comme une autre ?

La fessée peut-elle être justifiée ?

En France, il y a encore un grand nombre de parents qui donnent les fessées ou d’autres punitions corporelles.

Selon cette vidéo réalisée par OVEO (Observatoire de la violence éducative ordinaire), parmi les parents français :

  • 87 % ont recours à la « tape sur les fesses » ;
  • 71 % déclarent donner de « petites gifles » ;
  • 47 % ont recours à des châtiments corporels sévères (avec objet, raclée)

Pourquoi autant de parents ont-ils recours à la fessée ?

Voyons un exemple :

On se dit :
« Mais combien de fois j’ai répété à mon fils d’arrêter de sauter sur le canapé ! Et il continue… ???? ». Alors, on perd patience, et clac ! La petite tape part…

Mais réfléchissons… Et si c’était notre conjoint(e) ? Bon, OK, il ne va certainement pas sauter sur le canapé, mais il vous arrive sans doute de répéter la même chose sans qu’il le fasse, non ?

Par exemple, combien de fois lui avez-vous demandé d’essuyer le sol de la salle de bain ? 1 000 fois… au moins ! Et le fait-il pour autant ? Non. Résultat, alors que vous êtes fin prête et pressée, vous vous rendez dans la salle de bain pour une dernière retouche coiffure, et, BAM ! vous glissez sur le carrelage. Arghhhhhh… Votre robe est toute mouillée ! ????

Vous êtes évidemment en rage, mais, allez-vous pour autant lui donner une claque pour qu’il comprenne ? J’en doute…

Mais alors, pourquoi avoir un comportement différent avec vos enfants ?

Oui, ils ont parfois des comportements déroutants, inacceptables et agaçants ????. Mais la fessée est-elle réellement appropriée pour y répondre ? Peut-on la considérer comme un outil d’éducation efficace ? La petite tape est-elle vraiment si anodine ?

Pour moi, il est clair que non et je vous propose de voir pourquoi en 10 points.

La fessée : 10 raisons qui la rendent inefficace et néfaste

Note : nous parlons ici d’une fessée, ou de toute punition physique, comme une tape sur les fesses, une tape sur la main, etc..

1. La fessée est contre-productive

Lorsqu’un enfant reçoit une punition corporelle, même une simple tape sur la main, il va surtout se souvenir de ses sentiments de peur, de colère et d’humiliation.

Résultat ? Il sera tellement préoccupé par ses émotions négatives et votre réaction, qu’il ne va même pas s’interroger sur les raisons qui vous ont poussé à l’acte.

Au contraire, comme pour lui, votre réaction est injustifiée, il aura même tendance à vouloir se révolter contre cette méchanceté “gratuite”. Il risque de s’énerver davantage, et c’est l’effet boule de neige… Vous réitérez vos châtiments corporels, il s’énerve, et ainsi de suite…     

Et au final, est-ce que votre enfant aura retenu la leçon ? Non, car la fessée ne lui apprend pas à réfléchir ou à comprendre pourquoi il devrait changer ses actes. Pour lui, c’est vous le ou la coupable de ses réactions. Du coup, il ne ressentira aucune culpabilité, ni aucun regret. Alors, pourquoi changer ?

  

La fessée est contre-productive si l’on souhaite établir avec l’enfant des relations respectueuses – Daniel Siegel (La discipline sans drame)

  

2. La fessée laisse des séquelles négatives dans le cerveau

Lorsqu’un enfant a peur ou qu’il est blessé, son instinct lui dit de rechercher de la protection auprès de qui ? De nous, en tant que parent.

Mais lorsque nous lui infligeons une souffrance physique, le cerveau de l’enfant se retrouve confronté à un paradoxe. Nous devenons, à la fois la source de la douleur et de la peur, mais aussi, la figure supposée lui donner de la protection et le rassurer .

Alors comment s’y retrouver ? Le cerveau se trouve désorienté car il n’a plus de repère fiable.

Et le saviez-vous ? Le cortisol, hormone émis lorsqu’un l’on subit une situation de stress, peut profondément abîmer la structure du cerveau.

Conséquence ? Notre enfant peut rencontrer divers obstacles dans son développement :

3. La fessée brise la confiance en soi

L’image de soi d’un jeune commence par la façon dont il perçoit sa relation avec nous, parents.

La fessée est un acte violent. Même si c’est une petite tape qui ne fait pas très mal, l’enfant va se sentir mauvais, triste, fâché, humilié. Il aura le sentiment de ne pas être à la hauteur.

Si le schéma se répète, sa confiance en lui risque d’être brisée. En grandissant, le manque de confiance peut devenir la source de difficulté dans sa vie personnelle et professionnelle.

4. La fessée normalise l’acte de frapper

À travers une fessée ou une claque, les enfants apprennent qu’il est acceptable qu’une personne en tape une autre.

Et surtout, comme c’est en général un parent ou un membre de la famille plus âgé qui donne une fessée, ils finissent par penser qu’il est normal que les grands frappent les petits et que les plus forts frappent les plus faibles.

Lorsqu’un adulte tape un autre adulte, ne dit-on pas qu’il a été violent et agressif ? Et ce, quelle qu’en soit la raison ! Nous pouvons même porter plainte contre cette personne.

Alors, pourquoi serait-il acceptable de taper un être plus petit et sans défense ?

5. Une fessée apprend à décharger sa colère sur une autre personne

La punition corporelle conduit l’enfant à imaginer qu’évacuer sa propre colère sur une autre personne, c’est normal.

La plupart de temps, une fessée est donnée à chaud, lorsque nous sommes en colère, vous êtes d’accord ?

Alors, selon vous, qu’est-ce qui va être le plus marquant pour l’enfant, la tape sur les fesses ou la fureur qu’il va lire dans nos yeux ? Eh, oui, c’est notre rage qu’il va retenir.

Du coup, dans sa tête, colère va automatiquement rimer avec violence physique.

Donc au final, nous aurons beau avoir le bon réflexe d’apprendre à notre enfant qu’il faut gérer ses émotions fortes sans violence, en réagissant nous-mêmes sous le coup de la colère, nous détruisons tout le travail effectué et nous perdons en crédibilité.

6. La fessée n’apprend pas à communiquer

Comme on l’a vu précédemment, la fessée apprend à un enfant que lorsqu’il y a un problème, on le gère en infligeant une douleur physique au lieu de le résoudre par la discussion et la réflexion.

Imaginez :

  • Votre conjoint vous tape parce que vous avez fait quelque chose qui lui déplait.
  • Votre supérieur vous donne une fessée parce que vous êtes en retard pour finir une tâche qu’elle vous a confiée…

Comment vous sentiriez-vous ?

Sûrement en colère, triste ou humilié, non ? D’ailleurs, Injurié, vous leur diriez peut-être qu’un problème ne se résout pas par la violence, mais qu’il suffit d’en discuter ! Tiens, tiens, vous voyez où je veux en venir, n’est-ce pas !

Eh, oui, vous avez compris, c’est le principe bien connu du « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse » !

La fessée coupe des possibilités de communication avec votre enfant. Elle ne lui enseigne pas non plus comment développer des compétences pour gérer les situations conflictuelles.

7. La fessée amène plus de comportements indésirables

Une étude sur les conséquences de la fessée a été publiée en 2016 dans le Journal of Family Psychology. Elle est la plus complète réalisée à ce jour, et a été rédigée après 50 ans de recherches auprès de 160 000 enfants.

Quels sont ses résultats ?  

Il en ressort que les enfants qui avaient reçu plus de fessées :

  • ont plus tendance à défier leurs parents,
  • exigent la satisfaction immédiate de leurs désirs et besoins,
  • deviennent facilement frustrés, agressifs et susceptibles,
  • ont plus de crises de colère,
  • se battent physiquement contre d’autres personnes,
  • sont plus susceptibles de développer, à l’âge adulte, des comportements antisociaux et des problèmes de santé mentale.

N’est-ce pas exactement l’opposé du comportement qu’un parent souhaite obtenir de son enfant ?

8. La fessée dévalue le rôle d’un parent.

Le rôle d’un parent est de donner de l’amour et de la protection à son enfant et cela passe aussi par son autorité.

Mais qu’est-ce que l’autorité parentale ? C’est établir des limites claires et guider son enfant.

Comment ? En respectant les sentiments et les souhaits de nos enfants, tout en clarifiant nos propres attentes et en fixant un cadre à ne pas dépasser.

Établir une vraie autorité durable n’est possible que lorsque la relation parent-enfant est basée sur la confiance, et non basée sur la peur.  

9. La fessée ne marche pas à long terme

Oui, c’est vrai, la fessée peut arrêter immédiatement la mauvaise conduite d’un enfant. Mais uniquement parce qu’il il a peur d’avoir mal, et qu’il craint que vous ne l’aimiez plus.

En fait, la fessée apprend surtout la peur et la soumission. L’enfant apprend donc à faire ce qu’il faut pour éviter la douleur physique.

Ça peut fonctionner un moment, mais avons-nous vraiment envie que notre enfant ait peur de nous ?

En plus, il finira tôt ou tard par trouver un moyen de désobéir. Il apprendra à cacher ses bêtises, à mentir et dissimuler.

Et, quand il n’aura plus peur, révolté, il finira par ouvertement désobéir. Et vos réactions n’auront plus d’impact, puisque pour lui, votre amour est déjà perdu.

« mentir, dissimuler, désobéir “

10. La punition corporelle a tendance à monter crescendo.

La première fois qu’on donne une petite tape à un enfant, on a tendance à minimiser la chose en se disant que ce n’est rien, pas de quoi en faire un drame… En plus, ça ne lui a pas fait si mal.

Mais où nous arrêtons-nous ?

Le danger des punitions corporelles est qu’au fil du temps, on ressent le besoin d’utiliser ‘des armes’ de plus en plus puissantes : la menace ne marche que lorsque l’enfant en a peur…

La petite tape devient une fessée ou un poing, et ce qui a commencé comme un moyen de discipline risque de dégénérer en abus d’enfant.

Oui, bon OK, j’extrapole un peu, mais, en y réfléchissant, ça peut aller très vite.

En France, on estime que les trois quarts des cas de maltraitance sont des punitions de pères ou de mères qui n’ont pas su gérer l’escalade.

La question est : avez-vous envie de prendre ce risque ? ????

La loi contre la fessée est-elle nécessaire ?

Les avis sont mitigés. Certaines personnes, qui sont d’accord sur le fait que la fessée n’est pas forcément une bonne méthode éducative, pensent néanmoins que l’État n’a pas à intervenir dans la sphère familiale.

Alors, je vais vous donner mon avis.

Selon moi, la loi contre les violences éducatives serait une avancée positive. Elle transmet un message fort à tous les enfants : qu’ils ne ‘méritent’ pas d’être tapés.

En 1979, la Suède est devenue le premier pays à adopter une loi contre les violences éducatives infligées aux enfants. Alors que 70 % des Suédois n’y étaient pas favorables à l’époque, aujourd’hui, 40 ans après, 95 % approuvent la mesure : ils ne peuvent pas imaginer, un jour, lever la main sur leur enfant.

Dans ce pays, l’interdiction des châtiments corporels accompagnée de campagnes de prévention a permis de diminuer, en 15 ans :

  • les placements en foyer de 26 %
  • les vols chez les 15-17 ans de 21 %
  • la consommation de drogue et d’alcool
  • le taux de suicide

Comme nous avons vu plus haut, le châtiment corporel peut déraper vers une maltraitance. Cette loi permet de tirer une ligne plus claire, qui pousse vers une éducation bienveillante, en incitant les parents à ne plus utiliser de châtiments corporels comme outils d’éducation.

Ce que l’on peut retenir :

C’est sûr, votre enfant peut parfois avoir des comportements déroutants, inacceptables. C’est normal de se sentir énervé ou dépassé. Et, c’est souvent là que la fessée fait son entrée. Sous le coup de l’impulsion…

D’ailleurs, nous sommes souvent aussi surpris que notre enfant d’en arriver là (et on regrette immédiatement).????

Alors, oui, une petite tape sur les fesses ne fait pas de vous un monstre et ça ne va pas forcément traumatiser à vie votre enfant.

Pourtant, nous ne pouvons pas minimiser les conséquences négatives de la violence éducative. Les études ont prouvé que les punitions corporelles, loin d’être une méthode de discipline efficace, amènent des conséquences négatives sur le plan psychique de votre enfant.

La fessée est contre-productive parce qu’elle :

  • n’invite pas votre enfant à réfléchir et à comprendre pourquoi il devrait changer sa conduite
  • amène un comportement antisocial et plus agressif ;
  • affecte négativement la confiance en soi de l’enfant ;
  • coupe la possibilité de connexion et communication

Pour aller plus loin

Les méthodes non violentes et non punitives amènent un enfant à réfléchir et laissent une ouverture pour la discussion.

Alors, oui, au début cela demande plus de temps, de l’énergie et de la patience de notre part. Mais confiance et respect mutuel sont les clés pour l’épanouissement de l’enfant et de la relation parent-enfant. Et ça, ça n’a pas de prix !

Si vous voulez savoir comment éduquer sans punir, mes articles sur la parentalité positive et la communication non-violente pourront vous donner un bon point de départ. 😉

Et vous, êtes vous pour ou contre la fessée ? Qu’en pensez-vous de cette loi anti-fessée ? Dites-moi tout en commentaire !

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Une réponse

  1. Bonjour,
    J’aurais quelques questions à ce sujet. Vous dites – à juste titre – que la fessée est néfaste pour l’enfant et que ce n’est pas un moyen d’éducation valable. En soi, je suis d’accord, la violence entraîne toujours la violence et mieux vaut discuter avec son enfant plutôt que de le frapper(chose valable comme vous l’avez démontré avec n’importe qui).
    Pourtant, je ne crois pas que cette loi soit nécessaire, tant que l’on n’éduquera pas les adultes et qu’on leur « imposera » de ne pas frapper leur enfant sans plus de pédagogie que ne le fait le gouvernement, je ne pense pas que cela puisse fonctionner. Généralement, la meilleure manière de faire passer un message n’est pas par la force mais par l’information. Hors tout ce que le grand public retient de cette loi c’est que l’état vient s’émisser dans leur vie privé (encore un peu plus) et leurs dictent comment éduquer leurs enfants, plutôt que d’engager le dialogue de manière pédagogique, afin qu’ils comprennent en quoi les violences « éducatives » physiques et verbales posent problèmes.

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